Mise à jour - 2007 Charte des droits et des libertés de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance La vieillesse est une étape pendant laquelle chacun doit pouvoir poursuivre son épanouissement. La plupart des personnes âgées resteront autonomes et lucides jusqu’au dernier moment de leur vie. L’apparition de la dépendance, quand elle survient, se fait à un âge de plus en plus tardif. Cette dépendance peut être due à l’altération de fonctions physiques et/ou l’altération de fonctions mentales. Même dépendantes, les personnes âgées doivent continuer à exercer leurs droits, leurs devoirs et leurs libertés de citoyens. Elles doivent aussi garder leur place dans la cité, au contact des autres générations, dans le respect de leurs différences. Cette charte a pour objectif de reconnaître la dignité de la personne âgée devenue dépendante et de préserver ses droits. Article I - Choix de vie Toute personne âgée dépendante garde la liberté de choisir son mode de vie. Elle doit pouvoir profiter de l’autonomie permise par ses capacités physiques et mentales, même au prix d’un certain risque. Il faut l’informer de ce risque et en prévenir l’entourage. La famille et les intervenants doivent respecter le plus possible son désir profond. Article II - Domicile et environnement Le lieu de vie de la personne âgée dépendante, domicile personnel ou établissement, doit être choisi par elle et adapté à ses besoins. La personne âgée dépendante ou à autonomie réduite réside le plus souvent dans son domicile personnel. Des aménagements doivent être proposés pour lui permettre de rester chez elle. Lorsque le soutien au domicile atteint ses limites, la personne âgée dépendante peut choisir de vivre dans une institution ou une famille d’accueil qui deviendra son nouveau domicile. Un handicap mental rend souvent impossible la poursuite de la vie au domicile. Dans ce cas l’indication et le choix du lieu d’accueil doivent être évalués avec la personne et ses proches. Ce choix doit rechercher la solution la mieux adaptée au cas individuel de la personne malade. Son confort moral et physique, sa qualité de vie, doivent être l’objectif constant, quelle que soit la structure d’accueil. L’architecture des établissements doit être conçue pour répondre aux besoins de la vie privée. L’espace doit être organisé pour garantir l’accessibilité, l’orientation, les déplacements et garantir les meilleures conditions de sécurité. Article III - Une vie sociale malgré les handicaps Toute personne âgée dépendante doit conserver la liberté de communiquer, de se déplacer et de participer à la vie de la société. Les urbanistes doivent prendre en compte le vieillissement de la population pour l’aménagement de la cité. Les lieux publics et les transports en commun doivent être aménagés pour être accessibles aux personnes âgées, ainsi qu’à tout handicapé et faciliter leur participation à la vie sociale et culturelle. La vie quotidienne doit prendre en compte le rythme et les difficultés des personnes âgées dépendantes, que ce soit en institution ou au domicile. Toute personne âgée doit être informée de façon claire et précise sur ses droits sociaux et sur l’évolution de la législation qui la concerne. Article IV - Présence et rôle des proches Le maintien des relations familiales et des réseaux amicaux est indispensable aux personnes âgées dépendantes. Le rôle des familles, qui entourent de leurs soins leurs parents âgés dépendants à domicile, doit être reconnu. Ces familles doivent être soutenues dans leurs tâches, notamment sur le plan psychologique. Dans les institutions, la coopération des proches à la qualité de la vie doit être encouragée et facilitée. En cas d’absence ou de défaillance des proches, c’est au personnel et aux bénévoles de les suppléer. Une personne âgée doit être protégée des actions visant à la séparer d’un tiers avec qui, de façon mutuellement consentie, elle entretient ou souhaite avoir une relation intime. La vie affective existe toujours, la vie sexuelle se maintient souvent au grand âge, il faut les respecter. Article V - Patrimoine et revenus Toute personne âgée dépendante doit pouvoir garder la maîtrise de son patrimoine et de ses revenus disponibles. Elle doit pouvoir en disposer conformément à ses désirs, sous réserve d’une protection légale, en cas de dépendance psychique. Il est indispensable que les ressources de la personne âgée soient complétées lorsqu’elles ne lui permettent pas d’assumer le coût des handicaps. Article VI - Valorisation de l’activité Toute personne âgée dépendante doit être encouragée à conserver des activités. Des besoins d’expression et des capacités d’accomplissement persistent, même chez les personnes âgées qui ont un affaiblissement intellectuel sévère. Développer des centres d’intérêt évite la sensation de dévalorisation et d’inutilité. La participation volontaire à des réalisations diversifiées et valorisantes familiales mais aussi sociales, économiques, artistiques, culturelles, associatives, ludiques, etc. doit être favorisée. L’activité ne doit pas être une animation stéréotypée, mais doit permettre l’expression des aspirations de chaque personne âgée. Une personne âgée mentalement déficitaire doit pouvoir participer à des activités adaptées. Les activités infantilisantes ou dévalorisantes sont à rejeter. Article VII - Liberté de conscience et pratique religieuse Toute personne âgée dépendante doit pouvoir participer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix. Chaque établissement doit disposer d’un local d’accès aisé, pouvant servir de lieu de culte, et permettre la visite des représentants des diverses religions. Les rites et usages religieux s’accomplissent dans le respect mutuel. Article VIII - Préserver l’autonomie et prévenir La prévention de la dépendance est une nécessité pour l’individu qui vieillit. La vieillesse est un état physiologique qui n’appelle pas en soi de médicalisation. La dépendance physique ou psychique résulte d’états pathologiques, dont certains peuvent être prévenus ou traités. Une démarche médicale préventive se justifie donc, chaque fois que son efficacité est démontrée. Les moyens de prévention doivent faire l’objet d’une information claire et objective du public, en particulier des personnes âgées, et être accessibles à tous. Article IX - Droits aux soins Toute personne âgée dépendante doit avoir, comme tout autre, accès aux soins qui lui sont utiles. Aucune personne âgée ne doit être considérée comme un objet passif de soins, que ce soit au domicile, en institution ou à l’hôpital. L’accès aux soins doit se faire en temps utile, en fonction du cas personnel de chaque malade et non d’une discrimination par âge. Les soins comprennent tous les actes médicaux et paramédicaux qui permettent la guérison chaque fois que cet objectif peut être atteint. Ces soins visent aussi à rééduquer les fonctions et à compenser les handicaps. Ils s’appliquent à améliorer la qualité de vie en soulageant la douleur, à maintenir la lucidité et le confort du malade, en réaménageant espoirs et projets. L’hôpital doit donc disposer des compétences et des moyens d’assurer sa mission de service public auprès des personnes âgées malades. Les institutions d’accueil doivent disposer des locaux et des compétences nécessaires à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, en particulier dépendantes psychiques. Les délais administratifs abusifs qui retardent l’entrée dans l’institution choisie doivent être abolis. La tarification des soins doit être déterminée en fonction des besoins de la personne âgée dépendante et non de la nature du service ou de l’établissement qui la prend en charge. Article X - Qualification des intervenants Les soins que requiert une personne âgée dépendante doivent être dispensés par des intervenants formés, en nombre suffisant. Une formation spécifique en gérontologie doit être dispensée à tous ceux qui ont une activité professionnelle qui concerne les personnes âgées. Cette formation doit être initiale et continue en cours d’emploi, elle concerne en particulier, mais non exclusivement, tous les corps de métier de la santé. Ces intervenants doivent bénéficier d’une analyse des attitudes, des pratiques et d’un soutien psychologique. ARTICLE XI - Respect de la fin de vie Soins et assistance doivent être procurés à la personne âgée en fin de vie et à sa famille. Certes, les affections sévères et les affections mortelles ne doivent pas être confondues le renoncement thérapeutique chez une personne curable constitue un risque aussi inacceptable que celui d’un acharnement thérapeutique injustifié. Mais, lorsque la mort approche, la personne âgée doit être entourée de soins et d’attentions adaptés à son état. Le refus de l’acharnement ne signifie pas un abandon des soins mais doit, au contraire, se traduire par un accompagnement qui veille à combattre efficacement toute douleur physique et à prendre en charge la douleur morale. La personne âgée doit pouvoir terminer sa vie naturellement et confortablement entourée de ses proches, dans le respect de ses convictions et en tenant compte de ses avis. Que la mort ait lieu au domicile, à l’hôpital ou en institution, le personnel doit être formé aux aspects techniques et relationnels de l’accompagnement des personnes âgées et de leur famille avant et après le décès. ARTICLE XII - La recherche une priorité et un devoir La recherche multidisciplinaire sur le vieillissement et la dépendance est une priorité. Seule la recherche peut permettre une meilleure connaissance des déficiences et maladies liées à l’âge et faciliter leur prévention. Une telle recherche implique aussi bien les disciplines biomédicales et de santé publique que les sciences humaines et les sciences économiques. Le développement d’une recherche gérontologique peut à la fois améliorer la qualité de vie des personnes âgées dépendantes, diminuer leurs souffrances et les coûts de leur prise en charge. Il y a un devoir de recherche sur le fléau que représentent les dépendances associées au grand âge. Il y a un droit pour tous ceux qui en sont ou seront frappés à bénéficier des progrès de la recherche. ARTICLE XIII - Exercices des droits et protection juridique de la personne Toute personne en situation de dépendance devrait voir protégés ses biens mais aussi sa personne. Ceux qui initient ou qui appliquent une mesure de protection ont le devoir d’évaluer ses conséquences affectives et sociales. L’exercice effectif de la totalité de leurs droits civiques doit être assuré aux personnes âgées, y compris le droit de vote, en l’absence de tutelle. La sécurité physique et morale contre toutes agressions et maltraitances doit être sauvegardée. Lors de l’entrée en institution privée ou publique ou d’un placement dans une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis - désignant encore des assistants familiaux accueillant des enfants ou des jeunes majeurs sous mesure de protection de l’enfance. - remplacé, concernant l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial ; "La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial" Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, article 51. , les conditions de résidence doivent être garanties par un contrat explicite, la personne âgée dépendante peut avoir recours au conseil de son choix. Tout changement de lieu de résidence ou même de chambre doit faire l’objet d’une concertation avec l’intéressée. Lors de la mise en oeuvre des protections prévues par le Code civil sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, il faut considérer avec attention que le besoin de protection n’est pas forcément total ni définitif ; la personne âgée dépendante protégée doit pouvoir donner son avis chaque fois que cela est nécessaire et possible ; la dépendance psychique n’exclut pas que la personne âgée puisse exprimer des orientations de vie et doive toujours être informée des actes effectués en son XIV - L’information, meilleur moyen de lutte contre l’exclusion L’ensemble de la population doit être informé des difficultés qu’éprouvent les personnes âgées dépendantes. Cette information doit être la plus large possible. L’ignorance aboutit souvent à une exclusion qui ne prend pas en compte les capacités restantes ni les désirs de la personne. L’exclusion peut résulter aussi bien d’une surprotection infantilisante que d’un rejet ou d’un refus de la réponse aux besoins. L’information concerne aussi les actions immédiates possibles. L’éventail des services et institutions capables de répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes est trop souvent méconnu, même des professionnels. Faire toucher du doigt la réalité du problème et sa complexité peut être une puissante action de prévention vis à vis de l’exclusion des personnes âgées dépendantes et peut éviter un réflexe démissionnaire de leur part. Lorsqu’il sera admis par tous que les personnes âgées dépendantes ont droit au respect absolu de leurs libertés d’adulte et de leur dignité d’être humain, cette charte sera appliquée dans son esprit.
Toutindividu reste libre de ses choix et le principe des libertĂ©s individuelles s’impose. La personne âgĂ©e dĂ©cide et nul ne peut se substituer Ă elle. La crainte majeure des professionnels de santĂ© ou d’aide Ă domicile est d’être accusĂ©s de « non-assistance Ă personne en danger » s’ils se rĂ©signent au refus d’aide. FortBienvenue Ă la RĂ©sidence du Tertre Dans un cadre agrĂ©able, la rĂ©sidence du Tertre offre une vue panoramique sur les vignes avoisinantes et des espaces extĂ©rieurs amĂ©nagĂ©s promenades, potagers, salons de jardin facilement accessibles permettent de profiter du soleil. La RĂ©sidence du Tertre est situĂ©e Ă Fronsac, petite commune de Gironde. LEHPAD Saint-Joseph de Sarralbe a une capacitĂ© totale de 72 places d’accueil permanent, 1 place d’accueil temporaire et de 12 places d’UnitĂ© d’HĂ©bergement RenforcĂ© rĂ©parties sur 2 Ă©tages. A l’exception de 2 hĂ©bergements doubles Ă destination des couples, toutes les chambres sont individualisĂ©es. RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s A partir d’une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e auprès de personnes âgĂ©es dĂ©pendantes vivant en Éhpad, cet article montre que l’autonomie est une norme prescrite mais elle est peu stabilisĂ©e dans les textes. Elle est aussi utilisĂ©e comme un outil de communication afin de mettre Ă distance les reprĂ©sentations sociales nĂ©gatives associĂ©es Ă ces Ă©tablissements. Dans un contexte de pĂ©nurie de personnel et de rationalisation des soins, l’autonomie apparaĂ®t plutĂ´t comme un mirage. C’est plutĂ´t la dĂ©pendance totale et entière des personnes âgĂ©es Ă l’égard des soignants qui est la norme. Enfin, nous montrerons que l’expĂ©rience de la norme de dĂ©pendance est vĂ©cue diffĂ©remment selon les personnes âgĂ©es. This article is based on a survey conducted among residents of public nursing homes in France. It shows that this residents' autonomy is a fundamental concept in french old age policies. However the concept is poorly defined and is primarily used as a communication tool by nursing homes to hide the negative social perception associated with them. In a context of lack of staff and rationalization of care, resident's autonomy seems a mirage. The reality in French public nursing homes is rather reflected by resident's total dependency on nurses. Finally, we show that the dependency of nursing home residents is lived differently from one resident to de page Texte intĂ©gral 1 Marianne Muller et Delphine Roy, L’Éhpad, dernier lieu de vie pour un quart des personnes dĂ©cĂ©dĂ©e ... 2 Sabrina Volant, L’offre en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es en 2011 ». Études et ... 3 Alain Villez, Éhpad la crise des modèles », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 123, 169-184, 2007. 4 Isabelle Mallon, Vivre en maison de retraite. Le dernier chez soi, Rennes, PUR, 2004. 5 Olivier Saint-Jean et Dominique Somme, 2003, Taux d’encadrement et mĂ©dicalisation des Ă©tablisse ... 1Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, les maisons de retraite ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par des Établissements d’HĂ©bergement pour Personnes AgĂ©es DĂ©pendantes Éhpad. Ces structures mĂ©dicalisĂ©es ont une double vocation. Elles accueillent des personnes dĂ©pendantes » voire très dĂ©pendantes » et les accompagnent dans tous les actes de la vie quotidienne toilette, prise de mĂ©dicament, repas etc.. Fin 2015, près de 585 500 personnes âgĂ©es vivent dans 7400 Éhpad et 97% d’entre elles sont accueillies en hĂ©bergement permanent1. Dans ces Ă©tablissements, près de 89 % des rĂ©sidents sont Ă©valuĂ©s comme dĂ©pendants » Ă partir du GIR 4 et 55 % d’entre eux sont très dĂ©pendants » GIR 1 Ă 22. Les Éhpad sont dĂ©finis par une hybridation3 ĂŞtre Ă la fois un lieu de vie de la vieilÂlesse le dernier chez soi »4 tout en Ă©tant un lieu de mĂ©dicalisation des existences se rapprochant des services hospitaliers de type unitĂ© de soins de longue durĂ©e, les UnitĂ©s de Soins de Longue DurĂ©e Usld5. 6 Serge Paugam, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvretĂ©, Paris, PUF, coll. Le l ... 7 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 8 HĂ©lène Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres, Paris, Editions du Croquant, coll ... 9 L’Allocation PersonnalisĂ©e Ă l’Autonomie APA. 2En reprenant les concepts issus du champ de la sociologie de la pauvretĂ©, les personnes âgĂ©es accompagnĂ©es en Éhpad peuvent ĂŞtre Ă©tudiĂ©es comme une population marquĂ©e par le concept de disqualification sociale qui renvoie au processus de dĂ©signation et d’étiquetage ainsi qu’à ses effets sur le plan identitaire6. En effet, c’est en Ă©tablissant un seuil d’âge 60 ans et un seuil de dĂ©pendance GIR 1 Ă 4, que la sociĂ©tĂ© reconnaĂ®t les personnes comme dĂ©pendantes et les relègue au rang de personnes non autonomes7 » ou de sous citoyens8 » tout en leur apportant une forme d’assistance par le biais du versement d’une allocation9. La dĂ©pendance jette donc un discrĂ©dit sur cette population reconnue comme telle et cela marque profondĂ©ment l’identitĂ© des personnes. 3Dans cet article nous souhaitons saisir l’expĂ©rience sociale de la dĂ©pendance dans notre sociĂ©tĂ© selon un double objectif celui d’étudier Ă la fois les cadres normatifs organisant par le haut » les existences des personnes âgĂ©es dĂ©signĂ©es comme dĂ©pendantes » et les consĂ©quences de cet Ă©tiquetage sur le plan identitaire. En d’autres termes, quelles sont les injonctions normatives dans les politiques de la vieillesse et en particulier celles destinĂ©es aux personnes âgĂ©es dĂ©pendantes ? Comment ces injonctions sont-elles mises Ă l’épreuve dans les Éhpad par les professionnels et les personnes âgĂ©es ? 10 Cet article s’appuie sur une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e dans le cadre d’un travail doctoral soutenu Ă l’Ecole ... 11 L’enquĂŞte a Ă©tĂ© menĂ©e au sein de deux Ă©tablissements gĂ©rĂ©s par des groupes privĂ©s, deux appartenant ... 4Pour rĂ©aliser ce travail10, j’ai menĂ© une enquĂŞte qualitative combinant des observations participantes Ă dĂ©couvert d’un Ă cinq mois comme stagiaire dans le service des animations au sein de cinq Éhpad11 et cinquante entretiens semi-directifs avec les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes vivant dans ces Ă©tablissements. J’ai Ă©galement rĂ©alisĂ© des entretiens avec les directeurs de ces structures. 5Nous ferons d’abord un Ă©tat des lieux des normes structurant les expĂ©riences de vie des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. Nous verrons que l’autonomie est une vĂ©ritable injonction en Éhpad et qu’elle constitue Ă©galement un outil de communication pour valoriser les pratiques professionnelles I. Puis, nous montrerons la manière dont cette injonction se rĂ©vèle ĂŞtre un mirage. En effet, les difficultĂ©s rencontrĂ©es par les professionnels et le manque de moyens humains ne permettent pas de valoriser l’autonomie individuelle. L’injonction normative est plutĂ´t celle d’une mise en dĂ©pendance totale et entière aux professionnels et les comportements faisant part d’une autonomie peuvent ĂŞtre stigmatisĂ©s par le personnel. La manière dont les personnes âgĂ©es vivent l’expĂ©rience de la dĂ©pendance dans toutes les dimensions de leur existence, et en particulier, dans les liens qu’elles entretiennent avec les soignants, mĂ©rite une attention particulière II. I – L’injonction Ă l’autonomie en Éhpad 12 Emmanuel Kant, Fondements de la mĂ©taphysique des mĹ“urs, Paris, Delagrave, 1994. 13 Alain Ehrenberg, La sociĂ©tĂ© du malaise. Le mental et le social, Paris, Odile Jacob, coll. Science ... 14 Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistĂ©s. Sociologie des politiques d’insertion. Paris, PUF, coll. ... 15 Ibid, 1999. 16 Ibid, 2009. 17 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Paris, Dunod, co ... 6L’autonomie entendue comme gouvernement de soi »12 est la valeur suprĂŞme des sociĂ©tĂ©s nĂ©olibĂ©rales13. Elle apparaĂ®t ĂŞtre une notion relativement paradoxale pour des individus vulnĂ©rables. Pourtant, cette norme est largement diffusĂ©e dans les politiques sociales, en particulier, Ă l’égard des personnes fragilisĂ©es sur le marchĂ© du travail14. Ces dernières sont considĂ©rĂ©es comme les maĂ®tres d’œuvre de leur propre existence »15 et l’autonomie est une norme institutionnelle Ă partir de laquelle elles sont Ă©valuĂ©es16. L’autonomie repose donc sur la capacitĂ© de dĂ©terminer par soi-mĂŞme les règles de sa conduite en connaissance de cause17 ; elle insiste sur la capacitĂ© des individus Ă ĂŞtre responsables de leur parcours de vie et Ă ĂŞtre actifs dans leur existence. Ainsi, on peut se demander dans quelle mesure cette injonction est utile pour comprendre la situation des personnes âgĂ©es. 7Nous reviendrons sur le glissement sĂ©mantique pour dĂ©signer les personnes âgĂ©es ainsi que ses effets A. Puis, nous montrerons que la notion d’autonomie bĂ©nĂ©ficie d’une large diffusion dans les politiques de la vieillesse tout en Ă©tant floue et peu stabilisĂ©e dans les textes lĂ©gislatifs B. Enfin, l’autonomie sera analysĂ©e comme un outil de communication pour les Éhpad permettant de rassurer les familles et d’attirer de la clientèle C. A – De la dĂ©pendance » Ă la perte d’autonomie » 18 Ibid, 2004. 19 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 20 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997. 21 Autonomie GĂ©rontologique Groupe Iso Ressources. 8Le terme de dĂ©pendance » est une notion issue du monde mĂ©dical qui s’est imposĂ©e dans le champ de la vieillesse dans les annĂ©es 1980 pour qualiÂfier les personnes âgĂ©es de plus de 60 ans qui, en raison d’incapacitĂ©s, ont besoin d’être aidĂ©es dans les actes de la vie courante18. Cette dĂ©finition de la dĂ©pendance connote ces personnes nĂ©gativement car elle repose sur un critère bio-mĂ©dical qui rĂ©duit la personne Ă son incapacitĂ© Ă faire, au dĂ©triment de la connotation positive de solidaritĂ© et de relation nĂ©cessaire aux autres19. Ă€ la fin des annĂ©es 1990, la loi instaurant la Prestation SpĂ©cifique DĂ©pendance PSD a officiellement instituĂ© la dĂ©pendance comme Ă©tant l’état de la personne qui, malgrĂ© les soins qu’elle est susceptible de recevoir, a besoin d’être aidĂ©e pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie, ou requiert une surveillance rĂ©gulière »20. La loi officialise Ă©galement des seuils de dĂ©pendance » Ă©valuĂ©s objectivement par un algorithme en instaurant un outil de mesure des incapacitĂ©s la grille nationale AGGIR21. 22 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative Ă la prise en charge de la perte d'autonomie des person ... 9En 2001, la loi du 20 janvier crĂ©e l’Allocation PersonnalisĂ©e Ă l’Autonomie APA en remplacement de la PSD. Cette allocation est une compensation partielle des frais occasionnĂ©s par les difficultĂ©s de la vie quotidienne. Le changement sĂ©mantique de la PSD Ă l’APA a pour objectif de donner une dĂ©nomination plus positive aux personnes âgĂ©es souffrant d’incapacitĂ©s. La loi ne parle plus de dĂ©pendance mais de perte d’autonomie » Toute personne âgĂ©e rĂ©sidant en France qui se trouve dans l’incapacitĂ© d’assumer les consĂ©quences du manque ou de la perte d’autonomie liĂ©es Ă son Ă©tat physique ou mental, a droit Ă une allocation personnalisĂ©e d’autonomie permettant une prise en charge adaptĂ©e Ă ses besoins. Cette allocation, dĂ©finie dans des conditions identiques sur l’ensemble du territoire national, est destinĂ©e aux personnes qui, nonobstant les soins qu’elles sont susceptibles de recevoir, ont besoin d’une aide pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l’état nĂ©cessite une surveillance rĂ©gulière »22. 23 Ibid, 2013. 24 Ibid, 2013 10Ainsi, le terme de perte d’autonomie » est devenu le qualificatif politiquement correct pour dĂ©signer les personnes âgĂ©es ayant besoin d’être aidĂ©es dans leur vie quotidienne. Il met l’accent sur le respect des droits individuels. Cependant, la loi, qui ne dĂ©finit pas l’autonomie, repose Ă nouveau sur une approche dĂ©ficitaire et incapacitaire23. Le terme perte d’autonomie » accentue la confusion entre l’autonomie fonctionnelle », c’est-Ă -dire la capacitĂ© Ă effectuer par soi-mĂŞme un certain nombre d’actes de la vie quotidienne et l’autonomie dĂ©cisionnelle », c’est-Ă -dire la capacitĂ© Ă dĂ©terminer par soi-mĂŞme les règles de sa conduite en connaissance de cause24. Pourtant, une personne âgĂ©e en perte d’autonomie fonctionnelle peut toujours faire preuve d’une autonomie dĂ©cisionnelle. Ce glissement sĂ©mantique est concomitant avec l’émergence de la notion d’autonomie dans les politiques de la vieillesse. B – L’autonomie dans les politiques de la vieillesse 25 Extrait de la Charte des droits et libertĂ©s des personnes âgĂ©es en situation de handicap ou de dĂ©pe ... 11On l’a vu, l’autonomie bĂ©nĂ©ficie d’une large diffusion dans les politiques sociales. Elle est Ă©galement visĂ©e par les politiques de la vieillesse et en particulier celles destinĂ©es aux personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. Par exemple, la Charte des droits et libertĂ©s des personnes âgĂ©es en situation de handicap ou de dĂ©pendance Ă©laborĂ©e en 1989 par la commission Droits et LibertĂ©s » de la Fondation Nationale de GĂ©rontologie FNG, soutenue dès l’origine par la Ministère en charge des politiques de la vieillesse, puis modifiĂ©e en 2007 pour tenir compte de l’évolution de la rĂ©flexion gĂ©rontologique sur une dĂ©cennie, rĂ©affirme la citoyennetĂ© et l’inscription dans la sociĂ©tĂ© de ces personnes âgĂ©es en tant que sujets de droit. L’extrait du prĂ©ambule de la Charte est rĂ©vĂ©lateur de la manière dont les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes sont dĂ©finies dans les discours publics. Elle rĂ©affirme des principes reconnus dans la DĂ©claration de 1789 dont le droit Ă la citoyennetĂ© et une autonomie pour ces personnes et en particulier leur autonomie dĂ©cisionnelle. Cependant, l’injonction Ă l’autonomie apparaĂ®t peu stabilisĂ©e dans les textes lĂ©gislatifs. Dans certaines dispositions, elle fait Ă©cho Ă l’autonomie dĂ©cisionnelle tandis que dans d’autres, elle fait davantage rĂ©fĂ©rence Ă une autonomie fonctionnelle brouillant les dĂ©finitions de cette injonction. Par exemple on peut lire dans cette mĂŞme charte, l’article 8 spĂ©cifiquement dĂ©diĂ© Ă la PrĂ©servation de l’autonomie » La prĂ©vention des handicaps et de la dĂ©pendance est une nĂ©cessitĂ© pour la personne qui vieillit. La vieillesse est un Ă©tat physiologique qui n’appelle pas en soi de mĂ©dicalisation. Le handicap physique ou psychique rĂ©sulte d’états pathologiques, dont certains peuvent ĂŞtre prĂ©venus ou traitĂ©s. Une dĂ©marche mĂ©dicale prĂ©ventive se justifie, chaque fois que son efficacitĂ© est dĂ©montrĂ©e. En particulier, la personne exposĂ©e Ă un risque, soit du fait d’un accident, soit du fait d’une maladie chronique, doit bĂ©nĂ©ficier des actions et des moyens permettant de prĂ©venir ou de retarder l’évolution des symptĂ´mes dĂ©ficitaires et de leurs complications …. Handicaps et dĂ©pendance peuvent mettre la personne sous l’emprise d’autrui. La prise de conscience de cette emprise par les professionnels et les proches est la meilleure protection contre le risque de maltraitance »25. 26 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 27 Loi n° 2015-1776 du 28 dĂ©cembre 2015 relative Ă l'adaptation de la sociĂ©tĂ© au vieillissement. 28 Ibid, 2013. 12Cet article insiste particulièrement sur une dĂ©finition incapacitaire et mĂ©dicale de l’autonomie et des capacitĂ©s fonctionnelles des personnes âgĂ©es, au dĂ©triment de leurs capacitĂ©s dĂ©cisionnelles26. Plus rĂ©cemment, la loi du 28 dĂ©cembre 2015 relative Ă l’adaptation de la sociĂ©tĂ© au vieillissement27 se rĂ©fère Ă plusieurs reprises Ă cette conception mĂ©dicale de l’autonomie et insiste sur ce que les personnes âgĂ©es ne savent plus faire sur le plan fonctionnel. Ainsi, l’autonomie est abordĂ©e exclusivement du point de vue d’une rĂ©duction » et d’une perte » et selon une perspective mĂ©dicale de prĂ©vention. Cela peut conduire Ă une forme de stigmatisation de ces individus la perte d’autonomie fonctionnelle occulte les ressources et les capacitĂ©s des personnes âgĂ©es souffrant d’incapacitĂ©s fonctionnelles Ă dĂ©terminer par elles-mĂŞmes leurs règles de conduite en connaissance de cause c’est-Ă -dire leur autonomie dĂ©cisionnelle28. Pour les Ă©tablissements, cette dĂ©finition floue de l’autonomie est Ă©galement utilisĂ©e pour communiquer sur leurs pratiques d’accompagnement. C – L’accompagnement Ă l’autonomie en Éhpad un outil de communication 29 Loi n° 2002-2. 30 Nicole Benoit-Lapierre, RithĂ©e Cevasco et Markos Zafiropoulos, Vieillesse des pauvres. Les chemins ... 31 Section 1 Des fondements de l’action sociale et mĂ©dico-sociale, article 2 de la loi n° 2002-2 rĂ©n ... 13Les institutions comme les Éhpad sont rĂ©gis par la loi du 2 janvier 2002 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale29, laquelle a profondĂ©ment modifiĂ© les pratiques professionnelles en mettant explicitement en avant la norme d’autonomie au sein des Ă©tablissements afin de protĂ©ger les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes de leur vulnĂ©rabilitĂ©. Autrement dit, tout est mis en Ĺ“uvre dans les textes lĂ©gislatifs pour tenir Ă distance le plus possible la figure repoussoir du vieillard passif et en relation d’assujettissement avec les soignants30. L’extrait ci-dessous illustre les principes fondateurs des Ă©tablissements mĂ©dico-sociaux L’action sociale et mĂ©dico-sociale tend Ă promouvoir, dans un cadre interministĂ©riel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohĂ©sion sociale, l’exercice de la citoyennetĂ©, Ă prĂ©venir les exclusions et en corriger les effets … »31. 32 Section 2 Des droits des usagers du secteur social et mĂ©dico-social, article 7 de la loi n°2002-2 ... 14L’autonomie renvoie Ă la citoyennetĂ© et la protection des personnes âgĂ©es. Elle est la norme encadrant les expĂ©riences de vie des personnes âgĂ©es vivant en Ă©tablissement. L’article 7 de la loi, insiste sur l’affirmation des droits, des libertĂ©s individuelles et la dignitĂ© des personnes âgĂ©es L’exercice des droits et libertĂ©s individuels est garanti Ă toute personne prise en charge par des Ă©tablissements mĂ©dico-sociaux. Dans le respect des dispositions lĂ©gislatives et rĂ©glementaires en vigueur, lui sont assurĂ©s Le respect de sa dignitĂ©, de son intĂ©gritĂ©, de sa vie privĂ©e, de son intimitĂ© et de sa sĂ©curitĂ©. Une prise en charge et un accompagnement individualisĂ© de qualitĂ© favorisant son dĂ©veloppement, son autonomie et son insertion, adaptĂ©s Ă son âge et Ă ses besoins, respectant son consentement Ă©clairĂ© qui doit ĂŞtre systĂ©matiquement recherchĂ© lorsque la personne est apte Ă exprimer sa volontĂ© et Ă participer Ă la dĂ©cision. A dĂ©faut, le consentement de son reprĂ©sentant lĂ©gal doit ĂŞtre recherchĂ© »32. 33 Le livret d’accueil, la charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie, le contrat de sĂ©jo ... 34 Article 8 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie. 15Dans cet extrait, la mĂ©dicalisation des existences n’apparaĂ®t pas incompatible avec la promotion de l’autonomie individuelle, des libertĂ©s et de la citoyennetĂ© des rĂ©sidents. La loi de 2002 les protège en rĂ©affirmant le respect de sa dignitĂ©, de son intĂ©gritĂ©, de sa vie privĂ©e, de son intimitĂ©, de sa sĂ©curitĂ© » ; elle insiste Ă©galement sur le respect du consentement Ă©clairĂ© qui doit ĂŞtre systĂ©matiquement recherchĂ© ». L’accueil des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes voire très dĂ©pendantes ne doit donc pas remettre en question leur autonomie comprise dans sa dimension dĂ©cisionnelle ». Afin de garantir l’exercice des droits et de l’autonomie des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes, la loi a mis en place sept outils encadrant les pratiques professionnelles et les existences33. Par exemple, la Charte de droits et des libertĂ©s de la personne accueillie se compose de douze articles dont l’un est intitulĂ© droit Ă l’autonomie » Dans les limites dĂ©finies dans le cadre de la rĂ©alisation de sa prise en charge ou de son accompagnement et sous rĂ©serve des dĂ©cisions de justice, des obligations contractuelles ou liĂ©es Ă la prestation dont elle bĂ©nĂ©ficie et des mesures de tutelle ou de curatelle renforcĂ©e, il est garanti Ă la personne la possibilitĂ© de circuler librement. Ă€ cet Ă©gard, les relations avec la sociĂ©tĂ©, les visites dans l’institution, Ă l’extĂ©rieur de celle-ci sont favorisĂ©es. Dans les mĂŞmes limites et sous les mĂŞmes rĂ©serves, la personne rĂ©sidente peut, pendant la durĂ©e de son sĂ©jour, conserver ses biens, effets et objets personnels et lorsqu’elle est majeure, disposer de son patrimoine et de ses revenus »34. 16Le droit Ă l’autonomie fait rĂ©fĂ©rence Ă la libre circulation, le maintien du lien social et Ă la dĂ©tention des biens matĂ©riels et financiers pour les personnes âgĂ©es. Il est prĂ©cisĂ© Ă©galement que le contenu de ce droit peut varier suivant le degrĂ© de dĂ©pendance des rĂ©sidents selon les limites dĂ©finies dans le cadre de la rĂ©alisation de sa prise en charge ou de son accompagnement » et des mesures de protection juridique. 17L’analyse des textes lĂ©gislatifs montre que l’autonomie est la norme fondamentale pour encadrer les pratiques professionnelles et les expĂ©riences de vie. Toutefois, l’autonomie bien plus qu’une injonction normative dans les Ă©tablissements, peut Ă©galement ĂŞtre un outil de communication. En effet, les gĂ©rants des Éhpad quel que soit leur statut public ou privĂ©, mettent en avant l’autonomie. Celle-ci est alors porteuse de reprĂ©sentations sociales positives comme le montrent ces deux extraits de brochure de deux Éhpad publics 35 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 18 SĂ©rĂ©nitĂ© et bien-ĂŞtre des lieux de vie dĂ©diĂ©s Ă la convivialitĂ©, Ă la dĂ©tente, Ă l’autonomie »35. 36 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 19 Salle Ă manger, cafĂ©tĂ©ria, espace d’animation et salon de coiffure permettent aux rĂ©sidents de participer Ă des activitĂ©s visant au maintien de leur autonomie »36. 20Ainsi, l’autonomie est scandĂ©e comme un slogan publicitaire pour rassurer les familles et les rĂ©sidents. Elle apparaĂ®t lĂ encore comme un concept flou dont les dĂ©finitions sont peu stabilisĂ©es. Dans ces extraits, les Ă©tablissements mettent Ă disposition des lieux de vie dĂ©diĂ©s Ă l’autonomie alors que dans un autre, la rĂ©fĂ©rence Ă l’autonomie est plus implicite 37 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 21 Pour Ă©viter la perte d’autonomie, les personnes âgĂ©es sont invitĂ©es, en fonction de leurs possibilitĂ©s et de leurs souhaits Ă participer aux actes de la vie quotidienne mise de la table, pliage du linge, atelier cuisine, jardinage37. 38 Christophe BartholomĂ© et Didier Vrancken, L’accompagnement un concept au cĹ“ur de l’Etat social ... 39 Ibid, 2005. 22En utilisant les vocables leurs possibilitĂ©s » et leurs souhaits », c’est l’autonomie dĂ©cisionnelle qui est directement ciblĂ©e. Les actes de la vie quotidienne mentionnĂ©s font rĂ©fĂ©rence au maintien d’une autonomie fonctionnelle. L’autonomie est donc une aspiration Ă atteindre dans ces Ă©tablissements. Cependant, les niveaux d’incapacitĂ©s des personnes âgĂ©es rendent illusoires, dans la pratique quotidienne, la promotion d’une telle autonomie. L’analyse des brochures rĂ©vèle que c’est plutĂ´t l’accompagnement au maintien de l’autonomie » qui est valorisĂ©. Issu des politiques du handicap cette norme s’est diffusĂ©e largement dans les politiques sociales Ă destination des plus vulnĂ©rables38. Elle se caractĂ©rise par une approche individualisĂ©e et une recherche constante de l’activation des potentialitĂ©s des personnes. Le contenu mĂ©thodologique de la pratique n’a pas Ă©tĂ© dĂ©fini par les textes de loi, laissant le concept totalement ouvert sur la pratique39. Ainsi, dans les brochures, l’accompagnement au maintien de l’autonomie est mis en lumière pour rĂ©pondre aux besoins des personnes âgĂ©es fragilisĂ©es par leur Ă©tat de santĂ© 40 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 23 L’ensemble du personnel est formĂ© Ă l’accompagnement spĂ©cifique de la personne âgĂ©e. PrĂ©sent en nombre important, il s’assure au quotidien du bien-ĂŞtre de chacun des rĂ©sidents et encourage son autonomie, en tenant compte de ses particularitĂ©s aussi bien psychologiques que mĂ©dicales »40. 41 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 24 Le personnel formĂ© Ă la gĂ©riatrie s’assure du bien-ĂŞtre des rĂ©sidents et encourage son autonomie, en utilisant une approche parfaitement adaptĂ©e aux personnes âgĂ©es »41. 25Ă€ travers ces brochures, on remarque la manière dont ces Ă©tablissements se prĂ©sentent eux-mĂŞmes pour attirer de la clientèle et rassurer les personnes âgĂ©es et leurs familles. Les Éhpad insistent sur les moyens mis en place pour encourager », stimuler, prĂ©server ou restaurer » l’autonomie des rĂ©sidents. Ces textes sont, la plupart du temps, agrĂ©mentĂ©s de photographies mettant en scène les soignants dans l’accompagnement aux actes de la vie quotidienne. 26Après avoir rĂ©alisĂ© un Ă©tat des lieux des cadres structurant par le haut les expĂ©riences de vie des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes, il convient de s’interroger sur les rĂ©percussions de l’injonction Ă l’accompagnement au maintien de l’autonomie dans la pratique quotidienne au sein des Éhpad. II – Les mirages de l’autonomie en Éhpad 42 Valentine TrĂ©pied, Devenir dĂ©pendant. Approche sociologique du grand âge en institution, thèse de d ... 27Sur le terrain, la rĂ©alitĂ© est beaucoup plus contrastĂ©e. L’autonomie prĂ´nĂ©e dans les Ă©tablissements semble un mirage c’est-Ă -dire une notion valorisante mais difficile, voire impossible, Ă appliquer. Un certain nombre d’inĂ©galitĂ©s structurelles analysĂ©es tant du point de vue de l’amĂ©nagement de l’espace que des populations accueillies, rendent illusoire la mise en pratique de l’injonction Ă l’autonomie42. Ainsi, il existe un dĂ©calage manifeste entre les discours affichĂ©s sur l’autonomie et l’individualisation de la prise en charge. 28Tout d’abord, nous dĂ©crirons la mise Ă l’épreuve dans la vie quotidienne des injonctions institutionnelles Ă l’accompagnement Ă l’autonomie » A, puis on s’interrogera sur la manière dont sont perçus les actes quotidiens d’autonomie des rĂ©sidents B ainsi que leur ressenti concernant les liens de dĂ©pendance qu’ils entretiennent avec les soignants C A – La mise en dĂ©pendance des existences 43 Catherine Mercadier Le travail Ă©motionnel des soignants, Paris, Seli Arsan, 2008. 29L’accueil d’une population aux lourdes incapacitĂ©s physiques et/ou psychiques ainsi que les difficultĂ©s du secteur gĂ©riatrique manque de personnel, de formations et exigence de productivitĂ© ne sont pas toujours compatibles avec la valorisation de l’autonomie des rĂ©sidents. Les pratiques professionnelles s’organisent plutĂ´t autour des pratiques de nursing43, routinières, rĂ©alisĂ©es avec une automaticitĂ© selon un temps imparti. Les soins d’hygiène et de confort toilette, habillage, distribution de mĂ©dicaments, etc. y sont prĂ©dominants et rythment le quotidien des rĂ©sidents. La gestion planifiĂ©e de la vie quotidienne impose des rythmes institutionnels et collectifs aux personnes âgĂ©es ce qui rĂ©duit leur autonomie. L’extrait d’entretien rĂ©alisĂ© avec une directrice d’établissement privĂ© non lucratif est, Ă ce titre, explicite 44 Directrice d’un Éhpad privĂ© non lucratif. 30 Alors le matin ils ont le petit-dĂ©jeuner, la douche, le repas, on les descend, il faut les remonter pour la sieste et après Ă trois heures on leur dit c’est l’animation ». Alors, des fois, il faut les stimuler parce que si on Ă©coute tout ce qu’ils disent ils ne vont rien faire…ils sont très contents après les animations. Voyez aujourd’hui on a un problème d’ascenseur …, donc on va les descendre pour manger, on va les remonter pour faire la sieste et on va les redescendre pour les animations et on va les remonter ou peut-ĂŞtre pas parce qu’à 17h30 il y a la messe, donc de la messe il faut les redescendre pour le repas donc pour le personnel ça leur fait une sacrĂ©e journĂ©e ! Une sacrĂ©e journĂ©e aussi aux rĂ©sidents ! »44 31En dĂ©crivant une journĂ©e au sein de son Ă©tablissement, cette directrice tĂ©moigne des rythmes soutenus et rationnalisĂ©s de la prise en charge des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. L’utilisation du pronom personnel on » traduit les relations de dĂ©pendance Ă©troites existant entre les rĂ©sidents et le personnel. Durant mes observations, j’ai pu remarquer plusieurs pratiques institutionnelles rĂ©duisant inĂ©vitablement l’autonomie des personnes âgĂ©es. Par exemple, l’usage systĂ©matique des protections pour les incontinences est courant. Cette pratique permet de gagner du temps et de faciliter le travail des soignants. Parfois, j’ai Ă©tĂ© interrompue dans la rĂ©alisation de mes entretiens avec les rĂ©sidents par l’intervention d’un professionnel entrant dans la chambre de l’un de mes enquĂŞtĂ©s pour changer sa protection, sans d’ailleurs attendre que je quitte la chambre pour intervenir. 32Ainsi, la mise en dĂ©pendance totale des rĂ©sidents par certaines pratiques professionnelles contredit les injonctions au maintien de leur autonomie. Tout se passe comme si l’autonomie Ă©tait, pour le moins, partiellement inatteignable du fait de l’organisation du travail et comme si les professionnels sous pressions Ă©taient contraints, par souci d’efficacitĂ© et gain de temps, Ă restreindre l’autonomie des personnes âgĂ©es. Finalement, c’est de fait une injonction Ă la mise en dĂ©pendance totale et entière aux professionnels qui organise les existences et l’autonomie n’est pas encouragĂ©e. Elle peut mĂŞme ĂŞtre, dans certaines situations, stigmatisĂ©e par le personnel. B – La stigmatisation de l’autonomie au quotidien 45 Emile Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, coll. Quadrige », 2007 1ère Ă©ditio ... 46 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 33Depuis la loi de 2002 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale, les Éhpad doivent fournir aux rĂ©sidents un contrat de sĂ©jour dĂ©finissant les droits et les obligations de l’établissement et des personnes âgĂ©es. Celles-ci s’engagent alors Ă respecter les autres rĂ©sidents, les règles de fonctionnement, Ă adopter un comportement respectueux Ă l’égard de tous les membres de la structure personnel, rĂ©sident et donc Ă respecter l’ordre social interne. L’ordre social, s’entend comme un ordre moral qui Ă©merge de l’intĂ©riorisation de normes et de valeurs par l’individu45. Dans une perspective interactionniste, en Éhpad, les personnes âgĂ©es doivent tenir un rĂ´le de dĂ©pendant » entendu comme personne incapable de vivre seule et assujettie aux autres46. Certaines actions individuelles des rĂ©sidents, traduisant une volontĂ© d’autonomie, peuvent dès lors ĂŞtre interprĂ©tĂ©es comme la manifestation d’une transgression Ă l’ordre social interne Ă l’institution et conduire des rĂ©sidents Ă se sentir pointĂ©s du doigt par le personnel voire Ă ĂŞtre stigmatisĂ©s. C’est le cas d’une personne âgĂ©e de 87 ans, ancienne ouvrière, atteinte d’une tumeur au visage qui lui dĂ©forme les yeux et lui rĂ©duit son champ de vison. Elle a dĂ©jĂ fait plusieurs chutes occasionnĂ©es par son handicap. Cependant, elle met un point d’honneur Ă continuer Ă marcher seule sans l’aide d’un dĂ©ambulateur ou d’une chaise roulante. Elle se distingue des autres rĂ©sidents car elle privilĂ©gie, malgrĂ© son Ă©tat de santĂ©, l’utilisation de l’escalier 47 Mme Erable, 87 ans, ancienne femme de mĂ©nage, trois enfants, Éhpad public. 34 Une chose que je fais, ça les Ă©tonne, je ne prends jamais l’ascenseur, je descends et je remonte les escaliers seule parce que j’estime que les ascenseurs sont faits pour les fauteuils roulants, oui parce qu’il y en a beaucoup. Moi, ça me fait du bien de marcher, de faire bouger mes articulations. Alors quand je rencontre l’infirmière, elle me dit Comment ? Vous ne prenez pas l’ascenseur ? ». Elle me dit qu’il faut que je fasse attention parce que j’ai des malaises Ă cause de ma tumeur, je tombe assez souvent »47. 35En adoptant un rĂ´le social diffĂ©rent de celui attendu, cette rĂ©sidente met l’établissement Ă l’épreuve. En effet, elle ne se rĂ©sout pas Ă utiliser l’ascenseur et en dĂ©pit des accidents potentiels, elle cherche Ă garder coĂ»te que coĂ»te une prise sur son existence. L’infirmière qui est garante de l’état de santĂ© des personnes âgĂ©es, lui signale les risques encourus par son comportement. En utilisant l’expression, ça les Ă©tonne » et en citant l’infirmière, elle dĂ©montre qu’elle ressent une certaine forme de stigmatisation. Son comportement interpelle les soignants de l’établissement et ils ne l’encouragent pas, ne l’accompagnent pas dans sa volontĂ© de garder une certaine forme d’autonomie. On peut observer cette transgression des règles institutionnelles dans d’autres situations, comme par exemple, l’entretien de la chambre. Certaines personnes âgĂ©es souhaitent garder une marge de manĹ“uvre sur cette activitĂ© en nettoyant elles-mĂŞmes leur espace privĂ© malgrĂ© les recommandations du personnel. 36Ainsi, ces exemples montrent que les initiatives individuelles des personnes âgĂ©es vivant en Éhpad ne sont pas toujours encouragĂ©es. Au contraire, elles doivent respecter l’ordre social interne qui repose sur une norme de dĂ©pendance entière et totale aux professionnels. On peut dĂ©sormais se demander comment ces personnes vivent cette expĂ©rience de la dĂ©pendance dans les liens qu’elles nouent avec les soignants. C – L’expĂ©rience inĂ©gale de la relation soignante 48 Valentine TrĂ©pied, Solitude en Éhpad. L’expĂ©rience vĂ©cue de la relation soignante par les personn ... 49 Erving Goffman, Stigmates, les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, coll. Le sens co ... 37En Éhpad, les liens entre les personnes âgĂ©es et les soignants sont spĂ©cifiques, car ils ne sont pas Ă©lectifs. En effet, les rĂ©sidents ne choisissent pas les professionnels intervenant au quotidien auprès d’eux. Ces relations constantes sont imposĂ©es. Toutefois, l’expĂ©rience de la relation soignante est inĂ©gale selon les personnes âgĂ©es48. Pour certaines d’entre elles - celles disposant de ressources Ă©conomiques, familiales, culturelles etc. les plus fortes - la relation soignante se fait sous le mode d’une coopĂ©ration totale et entière. Les professionnels sont dĂ©crits par les rĂ©sidents avec des qualificatifs valorisants et bienveillants, par exemple elles sont très gentilles », elles prennent soin de nous ». Les personnes âgĂ©es endossent en quelque sorte le rĂ´le de rĂ©sident idĂ©al », celui qui ne demande pas trop de travail. Pour elles, la relation soignante peut ĂŞtre envisagĂ©e comme une sorte de levier identitaire leur permettant d’acquĂ©rir une reconnaissance sociale et une valorisation identitaire. Elles cherchent Ă tout prix Ă mettre Ă distance le stigmate liĂ© Ă dĂ©pendance49. Pour d’autres, personnes âgĂ©es – celles appartenant Ă des milieux sociaux plus hĂ©tĂ©rogènes -, les liens se font avec une certaine ambivalence. La vie institutionnelle cristallise tout un ensemble de frustrations identitaires. Elles souhaitent ĂŞtre accompagnĂ©es dans la vie quotidienne par le personnel, mais elles sont particulièrement insatisfaites des relations nouĂ©es. Ces personnes regrettent de ne pas susciter davantage d’attention et d’empathie. Par exemple, cette rĂ©sidente âgĂ©e de 83 ans, ancienne secrĂ©taire Je n’arrive pas Ă faire ma toilette seule du cĂ´tĂ© droit. Personne ne m’aide. Je n’ose pas demander aux filles, car elles sont dĂ©bordĂ©es. On manque de personnel et d’argent ». 50 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Dunod, coll. A ... 51 Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Gallimard, coll. Folio Essai », Paris, 1 ... 38Tout en Ă©tant constante et rĂ©gulière, la relation soignante est pauvre en qualitĂ© et en contenu. Les rĂ©sidents pointent du doigt l’ensemble des dysfonctionnements de l’Éhpad et ils critiquent souvent avec virulence la pĂ©nurie de personnel, l’insuffisance des aides, le manque de temps des soignants. Ainsi, les interactions les renvoient Ă une image dĂ©valorisĂ©e d’eux-mĂŞmes et le sentiment d’être transparents dans les Ă©changes. Enfin, pour une autre catĂ©gorie de rĂ©sidents, les relations avec les professionnels sont particulièrement destructrices. Ces personnes se conforment entièrement Ă la dĂ©finition et aux reprĂ©sentations sociales associĂ©es Ă la dĂ©pendance dans la sociĂ©tĂ© c’est-Ă -dire Ă des sentiments d’inutilitĂ© sociale, d’assujettissement aux autres et de dĂ©chĂ©ance50. Ces personnes âgĂ©es dĂ©pendantes ont le sentiment d’être des inutiles au monde »51 et d’être rejetĂ©es par le reste de la sociĂ©tĂ©. Les liens avec les soignants renforcent leur sentiment de dĂ©shumanisation comme l’explique cette rĂ©sidente âgĂ©e de 88 ans, ancienne employĂ©e 39 On subit, on subit, on subit tout…Vous attendez pour tout …. Le mot j’arrive ! », vous savez, je le connais et puis vous attendez. » 40Cette forme de relation soignante est davantage reprĂ©sentĂ©e chez les rĂ©sidents qui ont eu des existences marquĂ©es par des trajectoires de vulnĂ©rabilisation ayant fragilisĂ© toutes les dimensions de leur existence sociale et individuelle. Ils sont plus souvent isolĂ©s sur le plan familial. 41Il ressort de ces tĂ©moignages notamment que l’autonomie en Éhpad est en fait un mirage, la norme Ă©tant celle d’une dĂ©pendance totale et entière des personnes âgĂ©es vis-Ă -vis des professionnels qui organisent les existences. Toutefois, les rĂ©sidents ne s’approprient pas tous de la mĂŞme manière cette norme de dĂ©pendance. Certains arrivent Ă maintenir une valorisation identitaire tandis que d’autres n’y parviennent pas. Conclusion 42L’autonomie est donc une norme prescrite et largement valorisĂ©e dans les politiques de la vieillesse, une injonction normative organisant les existences des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. Cependant, cette injonction est floue et peu stabilisĂ©e dans les textes. Parfois, elle permet de rĂ©affirmer un lien de citoyennetĂ© aux rĂ©sidents et de les protĂ©ger en rĂ©affirmant des droits humains fondamentaux. Elle paraĂ®t tout de mĂŞme rĂ©duite Ă une conception incapacitaire et mĂ©dicale insistant sur ce que les personnes âgĂ©es ne savent plus faire. En Éhpad, l’autonomie est Ă©galement utilisĂ©e comme un outil de communication ce qui permet de trancher avec les reprĂ©sentations nĂ©gatives associĂ©es Ă ces Ă©tablissements. Cependant, on constate que le fossĂ© est grand entre la promotion de l’autonomie des personnes hĂ©bergĂ©es et la rĂ©alitĂ©, c’est-Ă -dire l’insuffisance des moyens humains et financiers de nature Ă permettre la concrĂ©tisation de cette injonction. Ce n’est pas une norme d’autonomie qui organise les existences et le travail des soignants mais c’est une norme de dĂ©pendance entière et totale aux professionnels. Les actes quotidiens faisant preuve d’autonomie peuvent ĂŞtre stigmatisĂ©s par le personnel. L’expĂ©rience de la dĂ©pendance aux soignants est vĂ©cue de manière inĂ©gale par les personnes âgĂ©es. Elles ne disposent pas toutes des mĂŞmes ressources pour mettre Ă distance ou accepter la dĂ©pendance dans les liens qu’elles entretiennent avec les soignants. 43Les prochaines rĂ©formes du secteur doivent impĂ©rativement prendre en compte ce profond dĂ©calage entre autonomie affichĂ©e et dĂ©pendance pratiquĂ©e qui engendre de la souffrance et de la frustration, Ă la fois pour les soignants et pour les rĂ©sidents. Cela nĂ©cessite des taux d’encadrement en personnel plus important et de la formation. Il apparaĂ®t Ă©galement primordial et lĂ©gitime de prendre en considĂ©ration le point de vue des personnes âgĂ©es, leur ressenti concernant l’accompagnement en Éhpad afin d’éclairer les pouvoirs publics et orienter leurs dĂ©cisions. Haut de page Bibliographie Christophe BartholomĂ© et Didier Vrancken, L’accompagnement un concept au cĹ“ur de l’Etat social actif. Le cas des pratiques d’accompagnement des personnes handicapĂ©es », PensĂ©e plurielle, n°10, p. 85-95, 2005. Nicole Benoit-Lapierre and al, La vieillesse des pauvres. Les chemins de l’hospice, Les Editions ouvrières, coll. Economie et Humanisme », 1980. Carmen Bernand, Les vieux vont mourir Ă Nanterre, Paris, Le Sagittaire, 1978. Solène Billaud et Jingyue Xing, On n’est pas si mauvaises ! » Les arrangements des aides-soignantes en Ă©tablissements d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es dĂ©pendantes ÉHPAD face aux Ă©preuves de professionnalitĂ© », SociologieS, 2016. 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Haut de page Notes 1 Marianne Muller et Delphine Roy, L’Éhpad, dernier lieu de vie pour un quart des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es en France en 2015 », Etudes et RĂ©sultats, DREES, 1094, 2018. 2 Sabrina Volant, L’offre en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es en 2011 ». Études et RĂ©sultats, 877, fĂ©vrier, 2014. 3 Alain Villez, Éhpad la crise des modèles », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 123, 169-184, 2007. 4 Isabelle Mallon, Vivre en maison de retraite. Le dernier chez soi, Rennes, PUR, 2004. 5 Olivier Saint-Jean et Dominique Somme, 2003, Taux d’encadrement et mĂ©dicalisation des Ă©tablisseÂments d’accueil pour personnes âgĂ©es. DonnĂ©es de l’enquĂŞte EHPA », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 104, 13-21. 6 Serge Paugam, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvretĂ©, Paris, PUF, coll. Le lien social », 2007. 7 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 8 HĂ©lène Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres, Paris, Editions du Croquant, coll. Terra », 2010. 9 L’Allocation PersonnalisĂ©e Ă l’Autonomie APA. 10 Cet article s’appuie sur une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e dans le cadre d’un travail doctoral soutenu Ă l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales EHESS de Paris en 2015. 11 L’enquĂŞte a Ă©tĂ© menĂ©e au sein de deux Ă©tablissements gĂ©rĂ©s par des groupes privĂ©s, deux appartenant au secteur public et un rattachĂ© Ă un groupe associatif. 12 Emmanuel Kant, Fondements de la mĂ©taphysique des mĹ“urs, Paris, Delagrave, 1994. 13 Alain Ehrenberg, La sociĂ©tĂ© du malaise. Le mental et le social, Paris, Odile Jacob, coll. Sciences humaines », 2010. 14 Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistĂ©s. Sociologie des politiques d’insertion. Paris, PUF, coll. Le lien social », Paris, 2009 ; Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard, coll. Folio Essai », 1999. 15 Ibid, 1999. 16 Ibid, 2009. 17 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Paris, Dunod, coll. Action sociale », 2004. 18 Ibid, 2004. 19 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 20 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997. 21 Autonomie GĂ©rontologique Groupe Iso Ressources. 22 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative Ă la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgĂ©es et Ă l'allocation personnalisĂ©e d'autonomie. 23 Ibid, 2013. 24 Ibid, 2013 25 Extrait de la Charte des droits et libertĂ©s des personnes âgĂ©es en situation de handicap ou de dĂ©pendance en 2007. 26 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 27 Loi n° 2015-1776 du 28 dĂ©cembre 2015 relative Ă l'adaptation de la sociĂ©tĂ© au vieillissement. 28 Ibid, 2013. 29 Loi n° 2002-2. 30 Nicole Benoit-Lapierre, RithĂ©e Cevasco et Markos Zafiropoulos, Vieillesse des pauvres. Les chemins de l’hospice, Les Éditions ouvrières, coll. Économie et humanisme », Paris, 1980 ; Carmen Bernand, Les vieux vont mourir Ă Nanterre. Paris, Les Éditions du Sagittaire, 1978. 31 Section 1 Des fondements de l’action sociale et mĂ©dico-sociale, article 2 de la loi n° 2002-2 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale. 32 Section 2 Des droits des usagers du secteur social et mĂ©dico-social, article 7 de la loi n°2002-2 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale. 33 Le livret d’accueil, la charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie, le contrat de sĂ©jour, la personne qualifiĂ©e, le Conseil de la Vie sociale, le règlement de fonctionnement, le projet d’établissement. 34 Article 8 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie. 35 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 36 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 37 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 38 Christophe BartholomĂ© et Didier Vrancken, L’accompagnement un concept au cĹ“ur de l’Etat social actif. Le cas des pratiques d’accompagnement des personnes handicapĂ©es », PensĂ©e plurielle, n°10, 85-95, 2005. 39 Ibid, 2005. 40 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 41 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 42 Valentine TrĂ©pied, Devenir dĂ©pendant. Approche sociologique du grand âge en institution, thèse de doctorat en sociologie Ă l’EHESS, 2015. 43 Catherine Mercadier Le travail Ă©motionnel des soignants, Paris, Seli Arsan, 2008. 44 Directrice d’un Éhpad privĂ© non lucratif. 45 Emile Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, coll. Quadrige », 2007 1ère Ă©dition 1893. 46 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 47 Mme Erable, 87 ans, ancienne femme de mĂ©nage, trois enfants, Éhpad public. 48 Valentine TrĂ©pied, Solitude en Éhpad. L’expĂ©rience vĂ©cue de la relation soignante par les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 149, 91-104, 2016. 49 Erving Goffman, Stigmates, les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, coll. Le sens commun », Paris, 975. 50 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Dunod, coll. Action sociale », Paris, 2004. 51 Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Gallimard, coll. Folio Essai », Paris, de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Valentine TrĂ©pied, Autonomie et vieillissement en institution le regard d’une sociologue », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 17 2020, mis en ligne le 19 octobre 2020, consultĂ© le 21 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Valentine TrĂ©piedValentine TrĂ©pied est Sociologue PhD et spĂ©cialiste de la vieillesse et du vieillissementDu mĂŞme auteur Document VidĂ©o Paru dans La Revue des droits de l’homme, 17 2020 Haut de page Droits d’auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page LEHPAD Le Clos Fleuri, ouvert depuis septembre en 2003 Ă Fameck (Moselle), a Ă©tĂ© conçu dans le respect des besoins d’une population vieillissante. Il est situĂ© dans un cadre de verdure jouxtant le parc face Ă la maire de Fameck. L’établissement accueille 84 rĂ©sidents dont la prise en charge, le confort et le bien-ĂŞtre sont assurĂ©s par une Ă©quipe
Laloi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale a elle aussi introduit une charte visant à préserver les droits des usagers fréquentant les établissements et services sociaux et médico-sociaux (Ehpad, services à domicile, etc.) La charte des droits et libertés de la personne accueillie a notamment pour objectif de prévenir tout
L’entrée dans une résidence ehpad n’est pas facile pour la personne âgée, c’est un peu une nouvelle étape de sa vie. Pour qu’elle se sente bien dans son nouvel environnement, la direction de la résidence doit prendre en compte un certain nombre de critères qui permettront de la suivre tout le long de son prise en charge professionnelle Lorsque la famille envisage de mettre une personne dans une résidence ehpad, il est important de savoir si le membre de la famille se sentira assez bien dans sa nouvelle demeure. A l’arrivée, la personne est prise en charge par les équipes de sa résidence. On demande alors généralement quelles sont les aspirations, son mode de vie, ses goûts ou encore ses capacités à s’adapter rapidement. Un bilan médical doit également être effectué avant l’entrée de la personne à prendre en charge, celui-ci permet de connaître les antécédents que le patient a pu connaître et aider l’équipe médicale à y remédier. Toutes ces informations aident à contribuer à celles déjà acquises. De ce fait, les médecins ont besoin de savoir les différents vaccins à effectuer et les maladies et problèmes déjà rencontrés. Les données recueillies permettent de construire le projet de vie en ehpad et de donner au patient une meilleure insertion sociale et psychique. Réalisation et rédaction du projet de vie en ehpad La construction du projet de vie est une obligation pour tout patient, il doit être établit dès son arrivée au sein de l’établissement ehpad. Lors de sa rédaction, l’équipe doit établir des objectifs avec la famille ou le représentant légal de la personne à prendre en charge. Les médecins établissent alors une fiche de projet, analysant les compétences de résidents ehpad. Un entretien peut alors avoir lieu avec la psychologue. Les animatrices recueillent également de nombreuses informations, qui complètent le dossier du projet de vie. La rédaction du projet est dédiée au pôle de la vie sociale, aux soins et au pôle administratif. Une fois le projet de vie réalisé, chaque patient est accompagné d’une animatrice qui aura pour but de veiller au bon déroulement et au respect de sa fiche de vie. A savoir que le projet est évolutif chaque année, l’équipe responsable procède à un bilan et permet au résident et à la famille de changer les objectifs de départ. Enfin, celui-ci est disponible pour tout le personnel dans le bureau du pôle soin, celui-ci comprend la feuille d’émargement, le projet élaboré, sa fiche et son suivi personnel.